Dans ma montagne

Dans ma montagne de François Aubineau et Jérôme Peyrat est un album jeunesse polyphonique, à deux voix : celle du loup et du berger. Il donne à entendre deux versants d’un même monde, d’un même biotope : la montagne. Ce livre recto verso peut être lu en commençant par le versant Loup ou par le versant Berger

Versant Loup. Le loup nous fait découvrir ce qui fait « sa » montagne : les rudesses et modes de vie hivernaux au cœur des forêts de neige, ses magnifiques petits peuples à ailes et à pétales, les dangers des phrasés de la vigoureuse rivière dès lors que les louveteaux en tentent la traversée, les animaux qui le nourrissent… Et puis il y a l’Autre, l’homme au fusil celui qu’il a appris à éviter et à craindre de manière ancestrale. Pour le loup, la montagne est sa montagne, son chez lui, parce que c’est le lieu où il se sent bien, vit, mange et dort.

Versant Berger : le berger lui aussi nous fait découvrir ce qui fait « sa » montagne : sa jolie bergerie de pierre, le bonheur d’une vie en partenariat avec les bêtes, ses brebis et son chien, les fleurs et sa petite famille, les dangers des orages alors que la vie se décline en extérieur. Et puis il y a l’Autre, le loup, celui qu’il a appris à éviter et à craindre de manière ancestrale. Pour le berger, la montagne est sa montagne, son chez lui, parce que c’est le lieu où il se sent bien, vit, mange et dort.

Les deux versions en miroir arrivent à la même conclusion :

« La montagne n’est pas facile à partager. Mais elle m’a l’air bien assez grande pour accueillir tous ceux qui l’aiment. » diront le loup et le berger.

 Dans ma montagne de François Aubineau et Jérôme Peyrat enseigne à se décentrer et à se mettre dans la peau de l’autre. En fonction de « qui » la raconte, il y a toujours plusieurs versions à une histoire. Ce qui est, ici, communiquer au petit auditeur.ice ou lecteur.ice, c’est l’art de changer de point de vue. Dès lors qu’il s’agit d’aborder une situation problématique, il convient de prendre en compte les différentes perspectives, les multiples points de vue. Cet album permet de comprendre pourquoi « la mienne » peut être aussi « la tienne » ou encore « la  nôtre ». La montagne, la terre est un commun où il s’agit de cohabiter, même si cela n’est pas facile. Tous les êtres y ont leur place.

Une piste ludique à emprunter consisterait à ajouter la voix de la Montagne qui comprend les deux voix, celle du loup et du berger, mais aussi bien, d’autres voix encore, celle de l’arbre, de la rivière, de la brebis, du lapin…

Cet album jeunesse permet d’initier très simplement à un philosopher « comme une montagne » (Aldo Leopold) qui consiste à prendre en compte au sein d’une situation (que celle-ci soit montagnarde, citadine ou celle d’une classe) la diversité des points de vue et des interactions qui ont lieu entre ces points de vue. Il permet aussi de manière plus large, par-delà loup et berger, d’appréhender le rapport à l’autre dans un esprit de cohabitation et non d’exclusion, voire d’élimination.

Les questions philo suivantes peuvent prolonger la lecture :

Qu’est-ce qui fait qu’un lieu est un chez nous. À qui appartient la montagne ? La Terre nous appartient-elle ou appartenons-nous à la Terre ?

Avec qui partage-t-on le monde, qui le compose ?

L’Autre fait-il peur ? Quels rapports entretenir à notre peur et avec les sujets de notre peur ?

FRANÇOIS AUBINEAU et JERÔME PEYRAT. Dans ma montagne. Paris : Ed. Père Fouettard, 2017.

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